Inauguration du monument aux Morts

illus histoire inauguration MaM

Journal l’Éclair du 13 juillet 1923.


La paroisse de Rodilhan s’était préparée, pour le dimanche 8 juillet, à fêter son ancienne croix de Mission, restaurée et embellie grâce à un don généreux.
M. le Maire de Bouillargues a mis délicatement à profit cette circonstance pour ériger sur le piédestal de cette croix une stèle commémorative des Morts de la guerre. La cérémonie revêtait ainsi double caractère et double attrait.
Elle commença à l’église, par le chant de la grand’messe. M. le Maire et une importante délégation du Conseil municipal de Bouillargues y asistaient, à la place d’honneur.
A l’Évangile, M. le chanoine Saurel glorifia nos héros dans un discours où la doctrine ne le cédait ni à la conviction, ni à l’éloquence.
Un groupe de chanteurs dévoués, recrutés dans le village, s’était joint aux choristes paroissiales pour exécuter les chants religieux. A l’issue de la messe, le cortège se rendit processionnellement à la Croix. Les enfants de l’école, guidés par leur dévouée institutrice, portent des gerbes de fleurs.
Après la bénédiction du Monument par M. le chanoine Saurel, chanteurs et choristes exécutent avec beaucoup de sentiment et d’éclat, un choeur émouvant : «Adieux aux soldats morts». Un jeune conseiller municipal lit alors des vers de circonstance. M. le Maire parle ensuite. Il dit éloquemment l’attachement de la commune à nos chers morts et le souci qu’elle a d’honorer leur mémoire. Il confie le monument inauguré à la sollicitude des habitants de Rodilhan.
M. le Curé prend la parole en dernier lieu. Après les remerciements qui s’imposent, il demande aux habitants de refaire, dans le cadre intime du terroir et dans l’unité de leur foi religieuse - car tous les Rodilhanais morts à la guerre étaient catholiques - le geste de la France pour ses héros. Elle leur donne une citation et une croix. Les Rodilhanais, à leur tour, donnent leur croix à leurs chers morts, dont elle deviendra désormais le monument ; ils leur donnent leur citation ; c’est l’inscription de la stèle commémorative. La cérémonie se clôt sur cette allocution.
Voici le texte de l’inscription mortuaire, rédigêe en latin ; il est dû au talent épigraphique de M. le chanoine F. Durand. On y trouve conme un écho du doux Virgile (Eneïde, X, 72) rappelant la mort d’un des oombattants qui suivaient Enée en Italie pour la fondation de Rome :
PRO PATRIA
IN DOMINO MORIENTES
LEO PASCAL
EDVARDVS PIOCH
ALFREDVS BRESSAC
CLAVDIVS PALATAN
ALBERTVS PIOCH
CLEMENS MAVRIN
ERNESTVS MAVRIN
DVLCE RODILIANVM
REMINISCENTES
JUVENTVTIS VERE FLORES
CECIDERUNT
Sur la face opposée du Monument, une plaque de dimensions moindres rappelle la restauration de ce jour :
IN MISSIONE
1845
ERECTAM
CRVCEM HANC
JACOBVS RAVANlS
ANNO l923
RESTAVRAVIT
Pour compléter la solennité de cette journée, la paroisse de Rodilhan a fait, au cours de l’après-midi sa procession de la Fête-Dieu.
Le concours du peuple venu de l’extérieur a été grand, malgré l’orage menaçant.
Après le chant des vêpres, brillamment exécuté, la procession se déroule avec ordre et recueillement à travers les rues tendues de blanc, fleuries et jonchées de verdure, et stationne devant les reposoirs ornés avec autant de goût que de dévouement. Un groupe de membres du clergé contribue à son éclat.
Les choristes de Manduel, en voile blanc, sont venues grossir la phalange des vaillantes chanteuses rodilhanaises. De nombreux messieurs participent à la cérémonie. Des notabilités de la commune tiennent les cordons du dais, sous lequel M. le chanoine Saurel porte le T.-S. sacrement.
La fête se termine à l’église dans un pieux enthousiasme.
Rodilhan est heureux d’avoir ainsi dignement célébré, dans une même journée, le culte patriotique de ses morts glorieux et le cuIte religieux de l’Eucharistie.